Dis April, tu t'en souviens? C'était un jour comme celui-là. Il n'y avait pas beaucoup de nuages, et pourtant, la pluie ruisselait sans cesse sur nos visages dévastés. Nos sourires étaient creux, vides. Tout comme le tien aujourd'hui. Mais, ma petite idole, t'aurais-je volé ton si beau sourire? Ou serait-ce juste mon regard ce soir-là qui t'a enchaîné à cette vie que tu mènes maintenant? Dis, répond-moi, April. Cesse de regarder ce Mp4 ensanglanté, et laisse s'évanouir la brume dans tes yeux azurs.

Le réveil sonna, dans un bruit très, très agaçant. Pourquoi cette sonnerie? Ah, oui, pour lui rappeler qu'elle avait une conférence dans quelques heures. April, ou Meru-chan de son nom de scène, se leva durement et en sueur. Que dirait ses fans, s'ils voyaient l'idole au réveil? Sûrement qu'ils seraient déçus. Elle, qui essayait de garder toujours ce visage rayonnant, avait les yeux gonflés par les larmes, le visage inquiet, et les gouttes de sueur perlaient sur sa peau de pêche. Toujours et toujours ces mêmes paroles, qui résonnaient dans sa tête. Ce même bruit de coup de feu, qui l'anéantissait un peu plus chaque jour, comme si c'était elle que la balle avait transpercée. Son souffle était saccadé, son coeur battait trop vite. Elle inspira un grand coup, pour chasser les idées noires de sa tête. Elle marcha jusqu'à la cuisine et prit un verre d'eau. Il fallait qu'elle se change les idées avant la conférence, sinon elle ferait mauvaise figure.

Une touche de cosmétique hors de prix par-ci, par là, April était fin prête à affronter les regards extérieurs. Cependant, elle ne devait pas être reconnue. Elle s'attacha donc les cheveux en tresses, prit une écharpe malgré la température insoutenable dehors, se chargea le visage de lunettes de soleil et enfila les premiers vêtements qu'elle avait sous la main. Elle alla au pas de la porte, et chercha ses bottes. Elle les trouva, mais en bien piteux état. La semelle commençait à se décoller, le daim était rongé par les frottements, et la couleur brune commençait à se délaver pour du beige crémeux. Il fallait qu'elle rachète une paire. Mais quoi? Il commençait à faire trop chaud pour des bottes ou autres grosses chaussures. Des sandales n'étaient pas non plus recommandées, étant donné la course qu'était la vie de la jeune idole. Mais, lorsque l'on dit « course », ne pense-t-on pas « sport »? Et qui dit sport, dit « Basket ». Ce fut en tout cas le raisonnement d'April, qui s'empressa d'enfiler ses antiquités pour aller au magasin de sport. Cela faisait très longtemps qu'elle ne s'y était pas rendue. Pourquoi? Et bien parce que sa meilleure amie fréquentait celui-ci. Elle savait que si elle y allait, elle se sentirait coupable, qu'une bouffée de regret l'envahirait.

Toutefois, aujourd'hui, elle ne pouvait l'éviter. Les aiguilles tournaient, et l'heure de la conférence approchait à grand pas. Se rendre au centre de la ville, ou aller dans un autre quartier n'aurait pu que lui permettre d'arriver en tard, ce qu'elle ne devait surtout pas faire. Elle inspira longuement, sortit de son appartement et pressa le pas. En quelques minutes, elle se tenait devant la porte de son angoisse. Une boule dans la gorge, elle déglutit longuement avant de se décider à pousser les portes et entrer. Elle ne s'attarda pas sur les personnes de service et fonça aux rayons des baskets. Fuyant le regard de tous, elle fouilla distraitement parmi les articles. Aucun ne lui plaisait réellement, mais elle devait pourtant changer impérativement. Cependant, elle n'avait pas prévu la suite.
« Heu. April. C'est toi? »
L'interpellée sursauta vivement. Qui avait pu la reconnaître, derrière ce déguisement farfelu? Elle se retourna alors, gênée. Et pourtant, son expression changea du tout au tout. Son visage, qui avait les traits inquiets, devint horrifié. Comme si elle avait vu un fantôme. Ce qui n'était pas entièrement faux. Le fantôme de ses regrets. Tellement bête à dire, mais si vrai. Devant elle se tenait celle qui complétait la relation avec sa meilleure amie. Sa « deuxième » meilleure amie. Celle qui faisait partie du trio, que l'idole avait perdue de vue il y avait de cela quelques mois. Celle qui aurait pu tout aussi bien mourir, à la place de l'autre.

Les lèvres hésitantes, la voix plus tremblante que jamais, April franchit le pas en prononçant cette simple phrase:
« Molly! Comment vas-tu depuis? »

Alors, April? Tu voulais te voiler la face, en prétendant que tu ne regretteras pas ce sacrifice pour moi? Mais que vas-tu faire, maintenant que tu as devant toi celle que te devra chérir plus que tout, étant donné que tu as tué ta meilleure amie et que tu m'as perdu? Tu te sens sale, souillée, n'est-ce pas? Oh, April, comme j'aimerais voir ton expression, si je le pouvais...

Écriture: royalblue