Hio marchait seul dans les rues de Reppongi, évitant les jeunes et les vieux, les fêtards et les décadents; se dirigeant vers son rendez-vous habituel du soir, loin de toute cette agitation. A vrai dire, il n'aimait pas vraiment ce quartier, trop de bruis, de gens et de lumière pour cet adepte du calme et de la tranquillité. Pourquoi se promenai-il ici alors ? Tout simplement car lors de son retour en ville, il avait trouvé une perle rare dans ce coin de débauche, un îlot de sérénité pour celui qui savait chercher. Le cat's eye. Un bar loin d'être comme les autres.

Hiro bifurqua à gauche, laissant la foule continuer sa petite vie tandis qu'il pénétrait dans l'ombre des petites rues. Des hommes ivres l'interpellèrent et un demoiselle tenta de le convaincre de rentrer dans une ruelle pour lui faire part de son attention, mais il les ignora, continuant son chemin vers sa terre promise. C'était devenu son refuge, quand les murs de son appartement se rapprochaient dans les rayons du soir et que même l'alcool n'arrivait plus à chasser les rires d'antan, Hiro savait que le moment de faire don de présence était venu. Il enfilait ses chaussures de bureau, un de ses magnifiques costumes noirs, resserrait sa cravate rouge vif, prenait son grand manteau et fermait silencieusement la porte de son appartement devenu vide et froid. Ne se retournant pas une seule fois sur le chemin.

C'est ainsi qu'il arriva dans cette rue uniquement éclairé par la lune. Une agréable rumeur montait d'un encadrement en dessous duquel on pouvait voir une douce lumière ambrés illuminer le pavement. Hiro poussa la porte, se laissant submerger par l'atmosphère du lieu. C'était son deuxième chez sois, son ultime plaisir. Il salua d'un mouvement de tête les habitués et se dirigea vers sa table habituelle, laissant le panneau se refermer silencieusement derrière lui. S'installant confortablement sur un siège, Hiro se rappela soudain que sa serveuse préférée ne travaillait pas ce jeudi. Il attendit donc patiemment que quelqu'un d'autre prenne sa commande avant de pouvoir enfin savourer son double whisky. Il ne savait pas vraiment pourquoi il aimait tant cet endroit, après tout, ici ou ailleurs son vague à l'âme était le même, et pourtant … Pourtant il préférait ici. Hiro baissa les yeux vers son verre déjà à moitié vide, regardant ses glaçons danser une valse que eux seuls comprenaient. Le patron disait toujours que l'on pouvais parfois apercevoir son âme la dedans, si il lui restait une âme, elle devait être aussi noire que ses cheveux et teinté du même sang que ses yeux …

Un arôme sucré et à la fois délicat planait dans l'atmosphère de ce bar. Mélangé avec cette odeur de tabac que les fumeurs dégageaient. Elle était loin cette émanation de pisse des toilettes et que souvent retrouvée dans certain bar. À vous couper toute envie de consommer, ou pour les plus sadomasochistes, de préférer, à défaut de s'y habituer à longueur de temps. Des néons soutenus au plafond, éclairant les clients les plus lurons ou les plus accablés. Et les serveurs exécutants leur valse nocturne, hypnotisant les alcooliques et autres âmes perdus. C'est dans cette atmosphère théâtrale et charismatique qu'était assis Kenji. En face du bar, celui-ci accoudé dessus. Un costard noir impeccable semblant sortir d'un de ces vieux films de gangster par-dessous, une chemise sombre au col blanc sur lequel on pouvait voir une cravate rouge nouée à l'italienne. Et des bretelles elles aussi rouge. Des chaussures noirs aux guêtres blanches. Et sur sa tête jonchait un chapeau borsalino de la même couleur que le costume et au feutre aussi identique que la cravate. Quelques clients sortaient, entraient. Faisant racler le sol à l'aide de pieds de chaises. Souvent bruyants, tandis que d'autre se morfondaient dans leur coin.

La clope au bec, le jeune garçon accoudé, commanda un whisky sec qu'il avala d'une traite. Il retira son chapeau qu'il posa sur le côté. Vu la dégaine qu'il avait et l'atmosphère qu'il dégageait, aucune âme, aussi folle soit-elle et présente dans les lieux ne s'était assise à côté de lui. Cela ne le dérangeait pas, limite s'il s'en foutait. Comment avait-il atterrit dans cet endroit ? Bien loin de ses bars habituelles ? Les questions se répondent simplement. Parce qu'il trouvait le lieu charmant, bien que ressemblant à plusieurs autres. Et surtout loin de toutes ces personnes qui le connaissaient. Ce soir, il voulait passer inaperçu. Il ferma les yeux et écrasa sa cigarette dans le cendrier en face de lui. La musique d'ambiance venait caresser ses oreilles. Kenji se leva laissant sa longue veste et son chapeau sur le bar avant d'aller dans les toilettes.

Il fit ses petits besoins et regagna à sa place. C'est aussi au même moment qu'un étrange bonhomme entra dans les lieux. Son odeur attira l'attention de notre héros. Une odeur particulière accompagnée d'un certain regard familier. Après avoir commandé son verre et l'avoir siroté, il le contempla. Semblant regarder quelque chose. Kenji se leva. Demandant avant ça, un brandy à la serveuse en sollicitant le fait de le lui servir à la place indiqué par son index. Elle hocha verticalement la tête et s'exécuta. Pendant ce temps, le jeune homme alla s'asseoir vers dernier venu. Pourquoi ? Lui-même en avait pas la réponse. Il se disait simplement que c'était une opportunité pour changer d'air. Et il commençait à s'ennuyer tout seul dans son coin. Bien que d'habitude ça ne le gênait pas, ce soir il voulait en quelque sorte célébrer quelque chose.

« Vous attendez que le fond de votre verre réalise votre vœu ? » Un léger rictus vin accompagner ce qu'il avait dit. Bien, qu'il ne savait pas qui il était, il lui adressa ces quelques premiers mots. Pour dans un premier temps briser la glace. Ainsi tenter de mettre à l'aise la personne qui se trouvait en face de lui. Et dans un second, voir sa réaction.

« Vous attendez que le fond de votre verre réalise votre vœu ? »

Hiro haussa un sourcil et releva la tête regardant l'homme en face de lui. Bien habillé, les cheveux d'une couleur pour le moins peu commune, le regard fière et certain, un visage comme il y en avait tant d'autre. Ce n'était pas le première fois qu'il rencontrait quelqu'un dans le bar, déjà quelques temps auparavant il avait fait la connaissance d'une jeune femme intéressante, Kana si il se souvenait bien, mais elle n'était pas là ce soir et Hiro doutait réellement que l'homme en face de lui était là pour parler de ses petits soucis comme la demoiselle l'avait fait.

Hiro avala une autre gorgée et soupira quelques peu. Tout ce qu'il voulait c'était être tranquille, comment devait-il réagir face à ça ? Non pas que ce type lui inspire pas confiance, mais ni cette phrase ni son petit rictus ne le mettait réellement à l'aise. Peut-être était-ce du à son style vestimentaire qu'il venait enfin d'identifier, il se souvenait avoir vue ça, mais dans les vieux films de gangster d'une époque depuis longtemps révolue. Finalement Hiro se résigna à répondre, peut-être que cela ferai partir l'autre homme.

« Vous n'êtes pas un habitué vous, tout le monde ici regarde ses fonds de verre … »

(C'est un peu court mais je voyais pas quoi faire d'autre. Quand au délais de réponse, désolé, mais je croyais que June voulait répondre alors qu'en réalité elle arrivera plus tard ^^" Donc ça ira beaucoup plus vite la prochaine fois. )

Hiro soupirant discrètement tandis que son interlocuteur prenait sa dose de nicotine, regrettant son geste quand il du respirer la fumé que celui-ci venait de lui envoyer en plein visage. Réprimant une quinte de toux, le jeune inspecteur redirigea son regard vers l'invité non-désiré. Il ne se sentait vraiment pas en grande forme ce soir, pas dans le genre de forme où il pourrait se débarrasser de cet homme embarrassant en lui faisant comprendre qu'il ne désirait guère de compagnie autre que son verre d'alcool et deux glaçon amoureux dansant sur leur piste ambré aux senteurs aromatisés.

Et bien soit, si cet homme voulait rester, qu'il reste, mais qu'il ne compte pas sur Hiro pour lui faire la conversation d'une quelconque façon, ils se fixeraient ainsi toute la soirée tandis que les verres se rempliraient et se videraient tour à tour. Ou non. A vrai dire il n'en avait cure, ce soir le monde ne lui importait plus, comme tant de soir passé, comme tant de soir futur, comme tant de soir présent. Si Hiro devait décrire la couleur de son âme en ces tristes soirées, ce serai celle des étoiles mourants après avoir dévoré les planètes qu'elles avaient fait vivre si longtemps. Un gris terne, pâle, crayeux presque poussiéreux, sans espoir ni envie ni même volonté autre que celle que les autres lui donnent. Il était ainsi ce soir sans fin, toujours identique de l'extérieur mais pourrie à l'intérieur, tellement, tellement, tellement pourrie …

Le son sourd d'un choc sorti Hiro de sa rêverie. Un client à l'allure titubante et l'air hagard venait de bousculer l'invité forcé de l'inspecteur, qui avait par la même occasion renversé une partie de son breuvage sur lui, tachant sa manche. Aussitôt les yeux du rouquin se métamorphosèrent, passant de joyeux à colérique sans pré-avis. Le changement fut si brutal que Hiro ne pu s'empêcher de sursauter, sentant ses poils se dresser sur sa nuque. Il ne rêvait pas, l'homme en face de lui émettait réellement des pulsions de violence disproportionné pour l'acte du maladroit.

« Tssss »

Cependant, alors que Hiro était persuadé que l'étrange personnage allait se jeter et faire scandale dans le bar pour avoir des excuses, si ce n'était rosser l'homme saoul en publique. Celui-ci se contenta de se retourner, comme si il remarquait de nouveau sa présence momentanément oublié.

« Ce sont des choses qui arrivent. Il ne faut pas en faire une affaire personnelle. Des choses qui arrivent... Pourquoi se venger sur un inconnu qui a bousculé un autre inconnu... Un simple accident... »

Cependant le sourire nerveux qu'affichait maintenant l'homme ne trompait personne et Hiro n'avait pas encore assez bu pour mettre cela sur le dos de l'alcool. Celui en face de lui semblait être tout a fait autre chose qu'un petit jeune venu passer la soirée dans un bar calme a la recherche d'une ambiance si particulière. Non … Comment Hiro n'avait-il pas pu remarquer la différence entre cet endroit et l'invité forcé avant ? Il n'allait pas le décor, il en était décalé, complètement dephasé, son plein de vie, sa joie, sa manière d'agir. Ici tous les invités avait cet aura de silence et de calme, cette mélancolie personnel jouant crescendo avec l'atmosphère nostalgique du lieu. Tous n'étaient pas des tristes sires pourtant, mais même les plus joyeux avait une certaine, retenue, dans leurs actes, pas comme cet homme assis en face de lui.

« Et si on reprenait notre discussion ? Si elle a un thème. Et oublions ce petit incident. Hum... Si je ne suis pas un habitué, ça veut dire que vous, vous l'êtes ? »

Hiro suivis le client saoul des yeux tandis qu'il sortait avant de retourner son regard vers l'étrange personnage. Un sujet de conversation ? Il n'y avait même pas de conversation. Tsssh. Maintenant c'était plus qu'un plus qu'un simple refus de parler. Cet homme ne lui inspirait juste pas confiance, il avait l'air de cacher quelque chose de trop grave pour pouvoir être contenu en permanence. C'est ainsi Hiro resta silencieux plusieurs minutes, détaillant encore une fois son compagnon de taille de la tête. Ce n'est qu'une fois sûr d'avoir mémorisé chacun de ses traits et signes particuliers et s'être assuré de ne les avoir jamais vues dans un dossier de criminel recherché, il ouvrit enfin la bouche.

« Oui. »

Sur quoi il avala une nouvelle gorgée de whisky avant de fixer de nouveau son verre, s'installant confortablement au fond de son fauteuil afin d'observer la valse des glaçons. L'incident était clos. L'homme pouvait partir, il n'avait pas sa place ici.

« Je pense que je vais vous laisser tranquille et m'en aller pour des affaires plus urgentes. »

Effectivement il pouvait et ce n'étais surement pas Hiro qui allait le retenir. L'homme se levait, s'appuyant sur sa canne, quand sa poche se mit à vibrer, s'asseyant de nouveau il sortit un portable qu'il regarda et posa d'un geste désinvolte avant de sortir un portefeuille.

« Tenez je paye votre part, ainsi qu'un pourboire. »

Mais Hiro n'écoutais déjà plus, tout comme il ne regarda pas le billet que posa l'autre. Sur le portable, bien en évidence, s'affichait la tête d'un yakuza recherché pour divers trafique et racket, si il avait ce genre de personne dans son portable … qui pouvait-il bien être le type en face de lui ?

Mais quand l'enquêteur releva le regard, il avait déjà disparu, laissant comme seule trace de sa présence ce billet et son portable qu'il avait oublié … Ou peut-être fais semblant d'oublier. Hiro vida son verre en réfléchissant, cet homme ne semblait pas le connaître, alors l'idée du message était à exclure. Mais la coïncidence restait trop énorme. Depuis qu'il était à Tokyo, le jeune enquêteur n'avais connu que deux choses capable de lui faire quitter son verre. Sa nièce et … le travail. Et ce portable devant lui était un appel au travail, pas de la brigade, évidemment, mais n'importe quel renseignement pouvant être prit serai bon à être échangé, voir monnayé entre les services, sans parler du devoir même qui lui incombait en tant que représentant de la loi.

Attrapant sa veste et le portable. Hiro sortit rapidement de l'établissement, cherchant l'homme des yeux dans la rue. Il pouvait évidemment garder le portable et s'en servir pour aider la justice, mais rien n'indiquait réellement que son étrange visiteur soit un criminel et depuis le début de sa carrière il était resté dans la légalité total, hors garder cet objet avant un an et un jour était un vol et le vol est punis par la loi. Enfilant sa veste, Hiro prit une direction aléatoire. Une chance sur deux de rencontrer cet homme. Il ne devait pas être bien loin. Il fallait qu'il le retrouve pour en apprendre plus. Soudain, au loin il lui sembla reconnaître la démarche boitillante de sa cible, a moins que ce soit un homme ivre mais il fallait tenter pour savoir. Sans plus attendre il se dirigea vers lui avant de l'apostropher.

« Excusez-moi ! »

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