Le crépuscule avait ternie les visages au teint de porcelaine des jeunes japonaises, et même les plus douces d’entre elles avaient à présent des airs de criminel. La foule, cette fourmilière géante. La foule qui nous rassure, et nous menace pourtant de nous tuer à chaque faux pas. Quand je dis qu’elle nous rassure, je ne parle pas de Valentine ; car cette fille-là n’a pas confiance.

Elle marche rapidement, tente de retrouvé l’adresse de son podologue, marquée là, sur son petit bout de papier maladroitement déchiré, puisqu’il manque une lettre à la fin de « Tokyo international forum». Son médecin devrait se trouver en face, mais impossible de mettre la main dessus.

La pluie avait cessée depuis peu de déverser ses minuscules gouttes sur nos têtes. Mais c’était sans compter sur nos régions ont du talent !
« Non mais t’en as pas marre de tout gâcher avec tes blagues à la con ?!
_ Ouais bon ça va, si on peut même plus rigoler …
_ Efface que j’te dis, avec ça on va encore être en retard au ciné, merde !
_ Par moment je me demande si c’est toi qui écris ou moi.
_ Bon ça va, j’ai compris, passes moi ça … Voilààà, c’était pas si compliquer, si ? Alors maintenant dépêches toi d’écrire correctement qu’on en finisse une bonne fois pour toute ! »

La pluie avait cessé depuis peu de déverser ses minuscules gouttes sur nos têtes. Mais c’était sans compter sur les gouttières débordant d’eaux sales. On pouvait les apercevoir de très loin, elles se situent pile au milieu des trous formés par la populace. Seulement, pour ceux qui se focalisent sur leur vieux chiffon humide, ça ne sert strictement à rien ; ceux-là se précipitent dans la gueule du loup.

« Eh merde … »

Une goutte, ou devrais-je dire une goutte mutante étant donnée sa taille complètement difforme, venait de bousiller ce qui servait de papier à Valentine. Elle avait eu les yeux braqués dessus pendant 10 minutes, autant dire qu’elle connaissait par cœur le contenu de ce chiffon. Ce qu’il embêtait, c’était plus ce qu’elle tenait juste en dessous, et qui est à présent méconnaissable. Juste un chèque de 4497 Yen (50 euros), rien de plus. Elle devra encore traîner ce mal de chien épouvantable…

Le ciel était bleu, les nuages faisaient la ronde autour du soleil, elle avait réussi pour la première fois son gâteau à la rhubarbe… Alors pourquoi a-t-il fallut qu’elle rate la marche de ce fichu escalier ? Pourquoi ?

Les éclairages des Izakayas donnaient à ce sombre paysage une petite touche de chaleur. Ils étaient partout, comme des étoiles dans la nuit, ou des feux d’artifices au nouvel an. On pouvait ouïr des éclats de rires comme des virus, qui rendaient les chopes de bières à moitié pleines, et l’argent abondant.

Trois pièces un peu rouillées se battent en duel au fond de la poche de Val’. Cette bonne humeur enchanteresse ne la laissa pas longtemps sur le seuil de l’Izakaya, ni ses sous d’ailleurs. Sur la table en bois, son verre de gin tonic laisse à son tour sa trace parmi les quelques autres.